
Sanction disciplinaire dans les IEG
Auteur : Arnaud Camus
Publié le :
31/03/2025
31
mars
mars
03
2025
SANCTION DISCIPLINAIRE DANS LES IEG
DELAI DE NOTIFICATION ET MOTIVATION DE LA DECISION DE MAINTIEN DE SANCTION APRES RECOURS INTERNES
Cass., soc., 12 mars 2025, n°23-14.011
DELAI DE NOTIFICATION ET MOTIVATION DE LA DECISION DE MAINTIEN DE SANCTION APRES RECOURS INTERNES
Cass., soc., 12 mars 2025, n°23-14.011
Dans un arrêt du 12 mars 2025 n°23-14.011 publié au bulletin, la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce expressément, et pour la première fois, sur le formalisme attaché à la décision de l’employeur de maintenir une sanction disciplinaire après recours gracieux prévu par la PERS 846.
En l’espèce, une salariée cadre a été mise à la retraite d’office pour faute grave. Elle a formé un recours gracieux devant la Commission Supérieure Nationale du Personnel (CNSP). L’employeur a décidé de maintenir la sanction par décision notifiée plus de 1 mois après l’avis de la CSNP. Cette décision ne reprenait pas la motivation de la sanction initiale. L’employeur ayant indiqué qu’il ne disposait d'aucun élément nouveau et qu’il maintenait donc la sanction.
La Cour, reprenant comme elle y était invitée, la distinction des voies de recours concernant le personnel d’exécution et de maîtrise (requête individuelle / recours gracieux) et le personnel cadre (recours gracieux), précise que, s’agissant du recours gracieux, seule voie alors ouverte aux cadres, la notification de décision après recours, ne peut être assimilée à une lettre de licenciement.
Par conséquent, elle a jugé que cette notification n’a pas à être faite dans le délai de 1 mois prévu au paragraphe 25 « Notification de la sanction » de la circulaire PERS 846. Ce délai était identique au délai de droit commun de l’article L.1332-2 alinéa 4 du Code du travail.
De même, elle a jugé que cette décision n’a pas à comporter l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur comme prévu à l’article L1232-6 du Code du travail.
Cet arrêt invite les employeurs de la branche à la plus grande vigilance concernant les décisions prises sur requête individuelle qui nous semblent impérativement :
- devoir être notifiées dans le délai de 1 mois après l’avis de la CSP ou de la CSNP
- devoir être précisément motivées en reproduisant les griefs maintenus de la lettre de sanction initiale.
À défaut, l’employeur s’expose, à notre sens, à un risque de voir un licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse.
- FAITS ET PROCEDURE
Une salariée cadre dont le contrat de travail est régi par le statut des IEG est mis à la retraite d’office par décision notifiée le 9 mars 2013.
Conformément aux dispositions de la PERS. 846 du 16 juillet 1985, la salariée a formé un recours gracieux devant la Commission Supérieure Nationale du Personnel (CNSP).
La Commission notifie à l’employeur son avis le 17 novembre 2014. Par lettre en date du 23 décembre 2014, l’employeur notifie à la salariée le maintien de la mise à la retraite d’office.
La salariée saisit alors le conseil de prud’hommes pour contester la rupture du contrat de travail. La Cour de cassation examine l’affaire une première fois sur la question de l’effet interruptif de prescription en raison de l’usage de voies de recours internes.
La Cour précise alors que le délai de prescription de l'action en contestation de la rupture court à compter de la notification de la nouvelle décision prise sur le recours gracieux (Cass.soc., 8 septembre 2021, n°19-22.251 publié au bulletin).
L’affaire est renvoyée devant la Cour d’appel de Colmar appelé à statuer sur le fond qui juge le licenciement justifié.
La salariée forme un nouveau pourvoi et conteste la validité de la notification de la nouvelle décision sur recours gracieux qu’elle assimile à une notification de licenciement.
- LES RECOURS CONTRE UNE SANCTION DISCIPLINAIRE
Le paragraphe 3 de la PERS. 846 offre au salarié faisant l’objet d’une sanction disciplinaire des voies de recours internes.
Ces voies de recours diffèrent selon que l’agent occupe un poste de cadre ou s’il compte parmi le personnel d’exécution et de maîtrise.
- 2.1 La requête individuelle pour le personnel d’exécution et de maîtrise
Ces derniers peuvent présenter une requête individuelle (article 3-III- paragraphe 2 de la PERS 846), dans un délai d’un mois à compter de la notification de la sanction, pour nouvel examen du dossier par la commission secondaire (premier examen en cas de d’’avertissement ou de blâme).
Cette notification post-commission secondaire doit, selon la circulaire, « être notifiée à l’agent dans les conditions fixées au paragraphe 25 ». Ledit paragraphe traitant de la notification de la sanction initiale.
En outre, la lettre doit notamment l’informer qu’il dispose de la faculté de demander la transmission de sa requête à la CNSP.
- 2.2 Le recours gracieux : seule voie possible pour les cadres
La PERS. 846 mentionne expressément que le recours gracieux constitue la seule voie de recours offerte aux cadres et aux chefs d’unité et assimilés.
La demande est alors adressée à l’autorité compétente qui la transmet au secrétariat de la CNSP. La Commission statue sur pièces et transmets l’avis émis : « au Directeur Général qui prend sa décision. Celle-ci est notifiée à l’intéressé. »
Aucun formalisme n’est précisé.
- L’ABSENCE DE DELAI POUR NOTIFIER LA DECISION SUR RECOURS GRACIEUX
La salariée faisait valoir que l’employeur qui statue de nouveau après avis de la CNSP prend une nouvelle décision qu’il serait tenu de notifier dans un délai compris entre un jour franc et un mois à compter de la notification de l’avis.
En l’espèce, la Commission a notifié au Directeur Général son avis le 17 novembre 2014. Selon la salariée, il aurait dû lui notifier la sanction avant le 17 décembre.
Pour rappel, la Cour de cassation avait déjà précisé que le délai de 1 mois pour notifier la sanction était suspendu en raison de l’obligation de l’employeur de saisir une instance consultative sous réserve d’avoir informé dans ce délai le salarié de cette saisine[1] et d’y avoir effectivement procédé[2].
Elle avait également jugé que le délai de notification recommençait à courir à compter du jour où l’employeur reçoit la notification de l’avis du conseil de discipline[3]
Ce délai étant, en pratique, pour les entreprises de la branche des IEG, le délai laissé pour reconvoquer à entretien préalable 2ème phase.
La Cour avait également jugé que le point de départ du délai d’un mois pour notifier la sanction initiale prévue par la PERS 846 commençait à courir à compter de la date du second entretien préalable[4] :
La Cour ne s’était cependant jamais prononcée sur l’existence d’un délai entre l’avis de la commission ou le recours gracieux et la décision sur ce recours prévu par la PERS 846.
La chambre sociale confirme ici la décision rendue par la cour d’appel qui avait écarté l’argument la salarié en considérant qu’elle opérait une confusion en assimilant l’avis de la CNSP à un entretien préalable.
La Cour de cassation rejette le pourvoi et rappelle que l’employeur avait notifié la sanction initiale dans le délai d’un mois à compter de l’entretien préalable et que, comme l’énonce la circulaire, le recours interne n’a pas pour effet de suspendre la sanction.
- L’ABSENCE D’OBLIGATION DE MOTIVATION DE LA DECISION SUR RECOURS GRACIEUX
La salariée soutenait que la décision de confirmation sanction devait être qualifiée de lettre de licenciement et, par conséquent, qu’elle devait être motivée conformément aux dispositions de l’article L. 1232-6 du Code du travail.
Or, dans l’hypothèse du maintien de la sanction, aucune disposition de la PERS 846 ne prévoit de reproduire les motifs précédemment énoncés dans la lettre de licenciement.
La Cour rappelle, à juste titre, que seul le recours gracieux est ouvert aux cadres. Le Directeur Général n’était donc pas tenu en l’espèce de motiver sa décision sur recours gracieux.
Cette décision nous parait totalement cohérente dans la mesure où l'exercice du recours gracieux a pour objet d’inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position et qu’en droit du contentieux administratif, la décision prise sur un recours gracieux facultatif ne se substitue pas à la décision initiale[5].
Nous retrouvons ici les liens originels du Statut des IEG avec le statut de la fonction publique et le régime de droit public.
A contrario, la solution aurait été différente en présence d’une requête individuelle par un salarié non-cadre, la Cour rappelant que :
« Selon les paragraphes 25 et 31 de la circulaire PERS 846, l'obligation de motivation ne vise que la lettre notifiant la sanction à l'issue de la seconde phase de la procédure disciplinaire et la lettre par laquelle l'employeur qui, après avoir prononcé une sanction à l'issue de la procédure disciplinaire, statue de nouveau sur la requête individuelle formalisée par un salarié appartenant au personnel d'exécution et de maîtrise (G.F. 1 à 11), cette voie de recours n'étant pas ouverte aux cadres et aux chefs d'unité et assimilés, auxquels seul est offert, en application de l'article 32 de la circulaire, le recours gracieux ».
Il sera rappelé à ce titre que la Cour de cassation a déjà jugé, dans une espèce concernant un agent non-cadre, que la circulaire PERS 846 imposait la motivation de la décision rejetant le recours gracieux : Soc., 7 novembre 2007, pourvoi n 06-42.988, Bull. 2007, V, n 184.
Cet arrêt invite les employeurs de la branche à la plus grande vigilance concernant les décision prises sur requête individuelle qui nous semblent impérativement devoir être notifiées dans le délai de 1 mois après l’avis de la CSP ou de la CSNP et être précisément motivées en reproduisant les griefs maintenus de la lettre de sanction initiale.
Toison & Associés accompagne depuis plus de vingt ans de nombreux acteurs du secteur de l’énergie développant ainsi une connaissance approfondie de ce secteur d’activité.
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Quelques-unes de nos interventions :
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- Accompagnement d’entreprises du secteur des IEG lors de conflits sociaux, occupations illégales de sites et procédures disciplinaires en application des textes spécifiques.
[1] Soc., 13 février 2001, pourvoi n 98-45.912, Bull V, n 52
[2] Soc., 7 mai 1991, pourvoi n 88-43.870
[3] Soc. 4 mai 1995 pourvoi n 93-41.440 / Soc. 10 mai 2001 pourvoi n 99-42.668
[4] Soc., 5 mai 1999, pourvois n 97-40.701, 97-40.909 / Soc., 22 juin 2011, pourvoi n 10-14.542, Soc., 12 novembre 2015, pourvoi n 14-18.169
[5] CE, 7 mars 2018, Bloch, Rec. CE 2018, p. 65)
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