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Harcèlement d'ambiance

Harcèlement d'ambiance

Auteur : Arnaud Camus
Publié le : 28/02/2025 28 février févr. 02 2025

L’EMPLOYEUR FACE AU RISQUE DE HARCELEMENT SEXUEL D’AMBIANCE DANS L’ENTREPRISE
 

La Cour d’appel de Paris affine la notion de harcèlement sexuel d’ambiance, où un climat de travail imprégné de propos ou comportements à connotation sexuelle peut constituer un harcèlement, même sans cible directe. Elle rappelle que l’employeur est tenu à une obligation de sécurité et doit prévenir ces dérives via des actions concrètes de prévention telles que la sensibilisation, la désignation d’un référent et, le cas échéant, en cas de dénonciation / constatation de tels faits, la conduite d’une enquête interne rigoureuse.
Dans cette affaire, l’entreprise, a été condamnée à indemniser une salariée travaillant en open space des agissements sexistes d'un groupe de collègues masculins échangeant des mails à teneur sexuelle et comportant des photographies de femmes pour partie dénudées ou dans des positions suggestives, accompagnées de commentaires graveleux. Ces agissements, démontrant, selon la Cour, qu'il existait dans l'entreprise un relâchement de nature à mettre mal à l'aise l'ensemble des femmes de l'équipe.
Dans cette affaire, la salariée n’était pas personnellement ni directement visée par ces agissements mais qu’elle ne pouvait s'abstraire de cet environnement et d'ignorer les images à caractère sexuel et les propos sexistes échangés portant atteinte à sa dignité de femme

 

 
 
Cour d'appel de Paris, 26 novembre 2024 (n° 21/10408)

Le harcèlement sexuel en milieu professionnel revêt diverses formes, parmi lesquelles le harcèlement dit "d'ambiance" ou "environnemental". Cette notion a été avancée par la Cour d'appel d'Orléans dans un arrêt du 7 février 2017 (n° 15/02566), où il a été reconnu qu'une salariée pouvait être victime de harcèlement sexuel sans être directement ciblée, mais en subissant un environnement de travail imprégné de blagues salaces, de propos insultants et de photographies à connotation sexuelle. Plus récemment, la Cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 26 novembre 2024 (n° 21/10408), a approfondi cette notion, précisant les obligations et la responsabilité de l'employeur face à de telles situations.

 
  1. COMPREHENSION DU HARCELEMENT SEXUEL D’AMBIANCE

Le harcèlement sexuel d'ambiance se caractérise par un environnement de travail où des comportements, propos ou images à connotation sexuelle créent une atmosphère intimidante, hostile ou offensante pour les salariés, même si ces derniers ne sont pas directement visés. Cette forme de harcèlement peut se manifester par des blagues à caractère sexuel, des affichages inappropriés ou des discussions déplacées.
Dans l'affaire jugée par la Cour d'appel d'Orléans en 2017, la rédactrice d’un journal avait dénoncé un environnement de travail ponctué de blagues salaces, de propos insultants, de photographies de collègues dans des positions suggestives affichées dans l'open space et des fonds d’écran exhibant des femmes nues. L’enquête interne faisait émerger des « blagues grivoises ou potaches » malgré une très bonne ambiance de travail. Après présentation des observations écrites du Défenseur des droits, la Cour avait reconnu que ces éléments constituaient un harcèlement sexuel d'ambiance, affectant la dignité de la salariée et créant un environnement de travail dégradant. Les exemples jurisprudentiels recensent, pour l’heure, des situations exclusivement préjudiciables pour des femmes salariées.  
 
  1. L'ARRET DE LA COUR D'APPEL DE PARIS DU 26 NOVEMBRE 2024 : UN APPROFONDISSEMENT JURISPRUDENTIEL

La Cour d'appel de Paris a été saisie d’une espèce similaire où plusieurs salariées avaient dénoncé un climat de travail marqué par les agissements déplacés d’un groupe de collègues, sans qu'aucune d'entre elles ne soit spécifiquement ciblée. Les plaignantes reprochaient à leur employeur de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour prévenir et faire cesser ces agissements.
La Cour a rappelé que l'employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé physique et mentale des salariés (art. L 4121-1 du Code du travail). Elle a souligné que cette obligation implique la mise en place de mesures préventives efficaces et une réaction appropriée en cas de signalement de comportements inappropriés.
Outre les carences constatées dans la méthodologie de l’enquête interne diligentée par l’employeur1, la Cour a relevé que ce dernier n’avait pas mis en œuvre de politique de prévention du harcèlement sexuel, n'avait pas désigné de référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes (art. L 2314-1 du Code du travail) et n'avait pas réagi de manière adéquate aux signalements des salariées.
En conséquence, la société employeuse a été condamnée à verser à la requérante la somme de 11 000 euros au titre du harcèlement discriminatoire et du « syndrome d’anxiété réactionnelle » dont elle a été victime.

 
  1. OBLIGATIONS LEGALES DE L’EMPLOYEUR EN MATIERE DE HARCELEMENT D’AMBIANCE

Le Code du travail inclut la prévention des agissements de harcèlement sexuel réprimés par son article L 1153-1.
Parmi les mesures que l'employeur doit mettre en place figurent :
  • Information et sensibilisation des salariés : L'employeur doit informer les salariés sur les dispositions légales en matière de harcèlement sexuel et les sensibiliser aux comportements constitutifs de harcèlement.
  • Affichage obligatoire : Le texte de l'article 222-33 du Code pénal relatif au harcèlement sexuel, ainsi que les coordonnées des autorités et services compétents en matière de harcèlement sexuel, doivent être affichés dans les lieux de travail.
  • Règlement intérieur : Le règlement intérieur de l'entreprise doit rappeler les dispositions relatives au harcèlement sexuel et préciser les sanctions encourues par les auteurs de tels agissements.
  • Désignation de référents : Depuis la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, l'employeur doit désigner un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes dans les entreprises d'au moins 250 salariés. De plus, un référent élu du personnel doit être désigné au sein du Comité social et économique (CSE) de toutes les entreprises.
  • Procédure interne de signalement et de traitement des faits de harcèlement : L'employeur doit établir une procédure claire permettant aux salariés de signaler des faits de harcèlement et garantissant un traitement diligent et impartial des signalements.
Les accords collectifs sur la lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes se multiplient dans plusieurs branches. La branche de l’édition est désormais soumise à l’accord du 6 octobre 2023, tandis que la Syntec a signé, le 28 février 2024, un texte qui ambitionne de sensibiliser les employeurs pour mieux prévenir et éliminer ces comportements.
L’indulgence du juge retenant « un contexte de grande familiarité » (Soc. 23 nov. 1993, n° 92-42.072) ou les « relations de familiarité réciproques avec la personne qui s'en plaignait » (Cass., soc., 10 juillet 2013, n° 12-11.787) pour écarter la qualification de harcèlement sexuel, semble définitivement appartenir au passé.   



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